Vive la Reine!

image Le meilleur aux Rencontres d'Arles, comme chacun sait, ce sont les rencontres. L'effet festival qui fait qu'on croise plus de connaissances (et qu'on règle plus de dossiers) en deux jours à Arles qu'en deux mois à Paris. Rien de neuf, mais tout de même, ça fait réfléchir sur les contraintes de la géographie...

A part ça? Le coeur du festival s'est manifestement déplacé. Il est assez amusant de constater, alors que le choix de la pittoresque cité des Bouches-du-Rhône devait beaucoup à son côté vieilles pierres, que les expositions ou les événements les plus courus quittent progressivement le centre-ville et migrent vers sa périphérie. A l'est, ce sont évidemment les anciens ateliers de la SNCF qui attirent les visiteurs, avec les expositions India, China ou les portraits politiques. A l'ouest, ce sont la rue de la République et la rue de la Roquette qui étirent vers les quartiers populaires la "plus belle nuit", suite de projections de rue qui réunit jusqu'à plus d'heure tout ce que la ville compte de festivaliers. Dans les deux cas, on a changé de décor (voir illustration). Le théâtre antique, laissé à Lou Reed, ou la proximité des arènes, occupée par la Bibliothèque nationale avec l'expo Atget, ont pris un coup de vieux.

Aux ateliers justement, on trouvera ce qui est peut-être la meilleure exposition du festival. Une exposition sans commissaire, livrée clés en mains par Buckingham Palace (et l'agence Camera Press), qui déploie avec une intensité sans pareille les problématiques du portrait et de la représentation du pouvoir. Soit Elizabeth Alexandra Mary Windsor, né en 1926, promise au trône d'Angleterre. On en découvre les images, de l'enfance à l'adolescence, sans différence sensible avec une roturière contemporaine. Puis, brutalement, à 26 ans, le couronnement. Et l'on voit d'un coup un individu de chair et de sang basculer dans le monde glacé de la représentation, passer de l'autre côté du miroir, entrer dans son portrait. Quatre-vingt années de vie, près de soixante années de règne, suivies à la trace, religieusement enregistrées par les gardiens du temple. Avec la surprise de retrouver quelquefois un soupçon de vie, un peu de gaieté derrière la façade lisse du protocole. Les portraits tendres et ironiques de Cecil Beaton montrent qu'il est encore possible, pour un archéologue patient, de ramener à la surface quelque chose de l'humanité de son sujet. Avec le dernier portrait de mamie Elizabeth, se referme une vie qui n'aura servi à rien d'autre qu'à faire exister une image. Quel artiste pourra jamais se mesurer avec une oeuvre aussi exceptionnelle?