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Une petite fille lance une balle, la reçoit sur la tête, la rattrape, la relance et la perd. Ces images de la petite Marie-Louise auraient pu ne jamais être vues et partagées. Oubliées dans un grenier, elles ont rejoint le sort de milliers, voire de milliards de photographies : la benne à ordures. Le hasard a fait qu’un promeneur remarque les jolies boîtes à biscuits métalliques et que ce promeneur soit photographe. Sensible au sort de ces photographies abandonnées, le photographe en fait don à la Société française de photographie. Quelques images en ligne plus tard, le fonds et son auteur “sans nom” sont identifiés par des internautes et des journalistes, grâce à cette petite Marie-Louise, fille d’Eugène Biver, châtelain et maire de Villiers-le-Bâcle (né en 1861), et désormais… photographe.

 

Marie-Louise et les 1200 images sauvées de la poubelle

Le 13 avril 2013, un fonds de 1200 plaques de verre photographiques a été offert en don à la Société française de photographie. Ces photographies avaient été récupérées dans une benne à ordure non loin de Villiers le Bâcle, dans l’Essonne. Ces images négatives sur verre, datant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, étaient rangées dans leur boites d’origine, des petites boites photographiques “Lumière” qui elles-mêmes étaient regroupées dans des boites à biscuits en métal. Sur les couvercles ou au dos de la plupart des boites figurent des informations manuscrites commentant les clichés. Des dates (entre 1897 et 1905) et des noms de lieux reviennent souvent. Visiblement le photographe opérait non loin de Villiers le Bâcle, une petite commune de l’Essonne située sur le plateau de Saclay. Les photographies montrent aussi que le photographe  parcourut plusieurs pays. Il devait donc avoir des moyens importants et des raisons motivées de voyager.
A côté des noms géographiques, figurent également des noms de personnes. Parmi ces noms, celui de Marie-Louise est certainement le plus récurrent. Un petit garçon, du nom de Paul, est aussi souvent identifié. Sur l’un des papiers entourant les plaques à l’unité, on a pu lire “Marie-Louise Biver”. Étant donnée que Marie Louise est souvent représentée avec un château à l’arrière plan, nous en avons déduit, avec le généreux donateur Stéphane Asseline, que cette enfant était probablement la fille du photographe qui lui même était probablement châtelain répondant au nom de “BIVER”. Un article du Parisien plus tard (c’est à dire moins de 24h après que les images aient rejoint les collections de la Société française de photographie), des généalogistes amateurs, aidé par le journaliste du Parisien, s’associent à nos recherches et celles d’internautes, et confirment l’identité de Monsieur Biver, châtelain à Villiers le Bâcle, maire de la commune, et père de Marie-Louise et Paul Biver. Depuis, les recherches se poursuivent et la  vie et les voyages photographiques du Comte Eugène de Biver commencent à être mieux connus. Paul et Marie-Louise Biver, si souvent représentés dans ces images sont devenus historiens d’art et ont écrit, ensemble et chacun de leur côté plusieurs ouvrages et le château du photographe appartient aujourd’hui au célèbre humoriste Yves Le Coq.
Le sauvetage de ce fonds photographique est celui d’un fonds de famille dont l’intérêt, comme celui de la plupart des fonds de famille, dépasse celui de l’histoire de cette famille en particulier. En effet, c’est autour du château de Villiers le- Bâcle que s’est construit et progressivement déployé le village dont les premières maisons étaient des bâtisses du domaine. Ainsi ces images renseignent sur l’histoire de ce village de l’Essonne mais aussi sur ce territoire anciennement en Seine et Oise autour de 1900. On y découvre les moissons, la récolte des pommes de terre, le binage des betteraves, ainsi que des défilés ou des fêtes de village. C’est aussi la vie d’une famille aisée autour de 1900 que l’on perçoit, à travers les scènes de chasse, de pique nique et les nombreuses vues d’intérieur. En plus d’une formidable documentation sur la vie quotidienne et l’environnement dans l’Essonne, ce fonds Biver est un exemple exceptionnel d’usage précoce des procédés instantanés par un privé. Le comte Biver s’essaye à toutes les possibilités du médium, tentant de capturer des objets en vol, en course, en chute. Il réalise des séries d’images enregistrées à des intervalles de temps très court et photographie la vie rurale en enregistrant les gestes de ses contemporains travaillant dans les champs et sur le plateau de Saclay. Visiblement, Eugène Biver avait un grand plaisir à photographier. Ce plaisir est aujourd’hui partagé, in extremis. En effet, il a fallu une belle succession de hasards et de rencontres pour que, en cent ans, ces précieuses archives, après un détour par la poubelle, passent de la vie de château aux réserves climatisées de la collection patrimoniale classée de la Société française de photographie.

Un immense merci à tout ceux qui ont favorisé ce don, son identification et sa valorisation : Stéphane Asseline, Léa N'guyen Commo, Julien Heyligen, Sebastian Athur Hau, Aude Lascaux, Vincent Guyot, Antoine Leroux, le Journal Le Parisien, France 2, Radio Essonne, L'Internaute, la Mairie de Villiers-le-Bâcle, Valérie Fougeairol et le Mois de la photo à Paris...
 
Luce Lebart 
 
 
 
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