Une étrange collection de photographies

Dans le cadre des 30 ans du Centre Georges Pompidou, le Musée national d’art moderne publie, section par section, des ouvrages présentant les acquisitions de cette institution. Dans le domaine photographique, Quentin Bajac et Clément Chéroux - conservateurs en charge de la collection (plus de 70.000 images) - ont décidé de se distinguer en se détournant de l’habituel inventaire illustré. Ils ont probablement tenu compte de l’usage qu’il est désormais possible de faire des bases de données pour ne pas souhaiter se limiter à une version papier des ressources informatisées.

L’ouvrage, d’une belle qualité d’impression, se présente donc, c’est son sous-titre, comme «une histoire de la photographie à travers les collections du musée national d’art moderne» illustrée de 365 planches. L’ouvrage vient ici compléter le grand volume publié en 1996 par Alain Sayag, alors conservateur, qui usait du principe alphabétique pour présenter la collection, avec cet avantage de « tout » donner sous forme de notices muséographiques (avec la réserve chronologique 1905-1948) mais où l’image était peut être un peu moins présente et surtout, où le récit historique restait à produire. Tenter d’articuler une histoire du XXe siècle et du début du XXIe siècle à partir d’une jeune collection oblige à quelques contorsions, néanmoins il faut saluer à la fois la politique d’acquisition et l’effort de produire un récit, car en prenant une série d’entrées à la fois historiques et thématiques, les directeurs de l’ouvrage offrent une suite d’éclairages stimulants. On laissera à d’autres le soin de regretter tel ou tel manque dans la collection, en rappelant qu’une politique d’acquisition avance à un double rythme : accompagner les courants actuels et compléter les sections historiques. Ce dernier exercice n’est d’ailleurs pas le moins intéressant, puisqu’il oblige à se forger une véritable conception de l’histoire (on ne «comble» pas nécessairement des manques, on développe aussi des centres d’intérêts dans le passé). On n’en dira pas plus des contenus de chaque chapitre, les directeurs ayant eu l’amabilité de m’y inviter pour une section consacrée à la photographie expérimentale, en revanche on saluera la publication de cet ouvrage qui s’accorde sur le terrain des idées au volume que j’ai dirigé avec André Gunthert pour Citadelles et Mazenod, voyant là l’esprit d’une génération d’historiens. Enfin, la visite de l’exposition qui accompagne cette publication réservera la même surprise aux visiteurs: il ne s’agit pas du simple accrochage des nouvelles acquisitions, mais bien d’une exposition en soi.