Fondée en 1854, reconnue d’utilité publique en 1892, la Société française de photographie (SFP) est la plus ancienne société de photographes encore active et l’une des plus importantes collections privées de photographies historiques en Europe. Rassemblant objets, images, ouvrages, périodiques et documents manuscrits, la collection, aujourd’hui classée monument historique, s’est constituée au gré des activités de ses membres : expérimentations techniques, théoriques ou visuelles. En effet, si les opérateurs brevetaient souvent leurs innovations, ils officialisaient plus régulièrement leurs découvertes par une présentation publique à la SFP suivie d’une publication dans son Bulletin et de dons d’épreuves ou d’objets.
C’est ainsi que la SFP conserve la première photolithographie d’Alphonse Poitevin, les expérimentations de photographies en couleur de Ducos du Hauron et ses recherches précoces sur les anaglyphes ou les premiers essais d’autochromes des frères Lumière.
Aux « premières fois » techniques (mis au point d’un procédé ou d’un appareil) s’ajoutent les « premières fois » d’usages (applications) parmi lesquelles figurent de nombreux essais de photographie instantanée, les premières images de la terre vue du ciel – la photographie aérostatique – de Paul Nadar ou encore les essais réussis de transmission d’images à distance par le bélinographe.
L’idée même de conserver pour le futur les innovations photographiques en tous genres est au coeur des missions de la SFP depuis son origine. Aussi, nombreuses sont aujourd’hui les pratiques et usages de l’image ayant découlées des multiples tâtonnements dont la collection conserve la mémoire et les hésitations. Mais les premières fois sont aussi parfois des échecs et plusieurs échantillons illisibles aujourd’hui n’ont pas résisté aux aléas du temps et de leur époque.
Au-delà de l’intérêt socio-historique de ces images, c’est aussi à une lecture esthétique de « l’expérimental photographique » que nous invitent aujourd’hui ces incunables de la photographie. Offertes sur toutes sortes de supports, manipulées et portant les traces de ces manipulations, annotées au recto comme au verso, reproduites sous plusieurs formes, ces images ont nourri et continuent de nourrir les imaginaires photographiques dont elles forment une précieuse archéologie.
Luce Lebart, commissaire d’exposition et directrice des collections de la SFP